Parce qu’on peut être un réseau social utilisé par des millions d’adolescents à travers le monde et une source d’informations pour des organisations de renseignements autrement plus sérieuses.
À moins de vivre dans une grotte du Larzac et n’avoir aucune espèce de connexion avec le monde extérieur, impossible de ne pas avoir eu vent de l’événement géopolitique majeur qui se déroule sous nos yeux depuis déjà plusieurs années, mais a pris ces dernières semaines une colossale ampleur. La Russie a effectivement massé d’importantes forces militaires à la frontière nord de l’Ukraine, sur son propre territoire et sur celui, voisin, de la Biélorussie. Selon le pouvoir russe, il ne s’agit que d’exercices militaires de grande ampleur, mais les gouvernements occidentaux ne croient pas cette version et estiment plutôt que la Russie prépare une invasion de l’Ukraine.
Pourquoi vous parler de cela sur DriversCloud ? Parce qu’un outil informatique aujourd’hui très populaire est devenu une espèce de témoin incontournable de la situation, TikTok. Développée par la société chinoise ByteDance, l’application permet la diffusion de vidéos de manière très simple et très rapide. Elle est largement utilisée par les célébrités et un vaste public d’adolescents, de jeunes adultes pour diffuser quantités de contenus musicaux ou humoristiques… mais pas seulement.
Russian tanks in Kurskpic.twitter.com/0AWEazhNaY
— marqs (@MarQs__) February 5, 2022
En effet, depuis déjà plusieurs mois, des usagers de TikTok l’utilisent pour filmer et diffuser des vidéos illustrant les mouvements de troupes et d’équipements russes. Comme vous pouvez le voir dans la séquence ci-dessus, les vidéos peuvent être très précises et comme l’explique Benjamin Strick, directeur des enquêtes au Center for Information Resilience (CIR), une organisation à but non lucratif qui se concentre sur la lutte contre les opérations d’influence, « Il existe de nombreuses données » sur TikTok. Son équipe compare minutieusement les diverses vidéos diffusées sur TikTok avec des images satellites et d’autres données officielles dans le but de confirmer leur authenticité et d’établir une carte des mouvements militaires.
« TikTok est certainement l’une des principales plates-formes utilisées pour documenter cela », déclare de son côté Eliot Higgins, le fondateur de l’unité d’enquête open source Bellingcat, qui dénonce l’espionnage russe depuis des années. Sandra Joyce, vice-présidente exécutive et responsable du renseignement mondial de la société de sécurité Mandiant, précise toutefois qu’il faut « être des consommateurs prudents d’informations, méfiants quant à la possibilité de mesures actives conçues pour nous tromper » car les vidéos TikTok peuvent évidemment être manipulées. Benjamin Strick le confirme en indiquant que des images « moins fiables » existent sur TikTok : « Il peut s’agir d’anciennes images, d’images qui se trouvaient le long des frontières de l’Ukraine mais des années précédentes, ainsi que d’images d’autres conflits ».
Cependant, la réactivité de TikTok étant ce qu’elle est, il y a de fortes chances que si invasion il y a, ses usagers en diffusent les premières images. Bellingcat le sait bien et travaille aujourd’hui à conserver le maximum de vidéos. Des archives qui pourraient ensuite être utilisées pour d’éventuelles enquêtes et poursuites judiciaires dans le cas où la guerre éclaterait.
