Pour prendre le meilleur sur AMD, Intel se serait-il lancé dans une stratégie « auto-destructrice » ?

Écrit par Guillaume
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« Dallas, ton univers impitoyable »

Après des années de problèmes techniques plus ou moins apparents et de retard sur la production de ses premiers processeurs gravés en 10 nm, Intel est parvenu à redresser la barre avec la sortie de la génération Alder Lake le 4 novembre 2021. Un an plus tard, la 13e génération de processeurs Intel, les Raptor Lake, a enfoncé le clou et permis à Intel de revenir dans le duel qu’il se livre avec AMD, une autre société américaine. Plutôt discrète au début des années 2010, cette dernière avait marqué des points avec l’arrivée de ses processeurs Ryzen en architecture Zen. Depuis, années après années, versions après versions, AMD taillait des croupières à Intel qui ne semblait pas en mesure de réagir jusqu’à ces fameux Alder Lake / Raptor Lake.

Reste qu’au travers d’une longue analyse dont les conclusions ont été publiées par Tom’s Hardware, le cabinet d’analystes Bernstein Research ne semble pas accorder tout le mérite de ce retour en grâce d’Intel au seul talent de ses ingénieurs et à la seule réussite technique que représentent les Alder Lake / Raptor Lake. En effet, Stacy Rasgon, analyste chez Bernstein Research, précise : « Ces derniers mois, nous nous méfions de plus en plus de la dynamique potentielle du monde PC. Ceci en raison des perspectives du marché et du fait que celles-ci sont exacerbées par le comportement semi-destructeur d’Intel ces derniers temps qui utilise à la fois le prix et la capacité comme une arme stratégique ».

« Une arme stratégique », le mot est lâché. En effet, au-delà des performances techniques des équipes d’Intel, il y a très certainement une vaste opération stratégique dans le déploiement des processeurs de 12e et de 13e génération chez Intel. Pour Bernstein Research, la firme américaine profite de ses capacités de production et de sa présence sur le marché pour mettre la pression sur AMD. Ce dernier n’est pas en mesure de trop rogner sur ses marges compte tenu des volumes bien moins importants de processeurs qu’il écoule. Au contraire, Intel peut se permettre de réduire le prix de ses Raptor Lake – placés de manière très agressive sur le marché – afin de couper l’herbe sous le pied de son concurrent.

Grâce à l’agressivité de sa technique et depuis la sortie d’Alder Lake, Intel est parvenu à faire remonter ses parts de marché sur le segment des PC desktop. Sa division client computing comptait d’ailleurs pour 53 % de ses revenus sur le troisième trimeste 2023.

Stacy Rasgon tire toutefois la sonnette d’alarme et met l’accent sur le danger inhérent à une telle approche commerciale dans un marché tout à la fois très concurrentiel, mais surtout en net recul d’une année sur l’autre. Il faut effectivement savoir qu’après les années fastes liées au ré-équipement en pleine pandémie de COVID-19, les ventes de PC ont logiquement considérablement baissé. Pour certains observateurs, il s’agit d’un mouvement de fond qui, dès l’année prochaine, pourrait faire passer le marché à moins de 200 millions d’unités écoulées par an. Forcément, moins de PC vendus, c’est moins de processeurs vendus et moins de chiffre d’affaires pour Intel.

Pour ne rien arranger, en rognant ainsi sur ses marges pour faire tomber son concurrent, Intel limite ses moyens d’action. Il a moins de marge de manœuvre évidemment, mais il ne peut surtout plus investir autant en recherche et développement pour concevoir de nouveaux processeurs ou améliorer son outil de production. Il faut aussi savoir que malgré sa politique particulièrement agressive, Intel a surtout repris des parts de marché sur l’entrée et le milieu de gamme, là où les marges sont les plus faibles. AMD reste encore bien présent sur les segments haut de gamme et ultra haut de gamme.

Bien sûr, Intel ne partage pas complètement cette analyse et le groupe américain table par exemple sur une stabilisation des ventes de PC à 300 millions d’unités par an. Ayant misé toute sa stratégie sur un grand nombre de PC vendus, Intel a intérêt à ne pas se tromper dans ses prévisions. S’il devait se méprendre, il risquerait de ne plus pouvoir faire face et l’agressivité de sa stratégie se retournerait contre lui justifiant l’emploi le terme « auto-destructrice » utilisée par Stacy Rasgon pour qualifier le mouvement de la société de Pat Gelsinger. Affaire à suivre…